mardi 24 mars 2015

Leur parler du mauvais...

On aimerait les protéger de tout ce qui est laid dans ce monde, les préserver toujours de ce qui peut mal tourner, conserver leur innocence intacte.
Alors on les garde à distance de tout ce qui blesse, on créé une petite bulle. Elles ne voient jamais les horreurs du journal de 20h, on sélectionne tant qu'on peut les programmes et informations auxquels elles ont accès, on ne parle pas de sujets difficiles en leur présence.

Et puis la semaine dernière, au retour de l'école, la Framboise m'a dit sans préambule : "tu sais, la Maman de L. est morte. C'est pour ça qu'elle n'était pas à l'école hier et aujourd'hui".
La petite bulle a éclaté.
L. est une petite fille de moyenne section dans la classe à double niveau de la Framboise.
Le regard interrogateur de mes 2 filles posé sur moi attendait ma réaction à cette annonce. J'ai ravalé le choc qui m'a saisie et contenu mon émotion.
Il a bien fallu leur parler de la mort, des choses tristes de la vie qui, parfois, arrache leur maman à une fillette de 4 ans et à son petit frère de 18 mois.

La Groseille a alors posé la question que je redoutais : "mais toi Maman, tu vas pas mourir, hein?"
J'aurais pu choisir de leur mentir, pour les rassurer. Mais j'ai dit la vérité.
"On ne peut pas savoir mon coeur. Mais pour l'instant je vais bien et je suis là."
J'en ai profité pour ajouter que c'est pour ça qu'il faut profiter de la vie, apprécier tout ce qui nous arrive de bon et joli...
J'ai affiché un sourire que j'étais loin d'avoir dans mon coeur et je leur ai demandé ce qui leur était arrivé de bon et joli aujourd'hui.
Et comme les 2 petites filles de 5 et 3 ans qu'elles sont, elles ont changé volontiers de sujet pour me raconter avec moult détails comment la récré de cet après-midi était TROP géniale parce que les maîtresses ont sorti les vélos...
Elles avaient déjà oublié leur tristesse.
Pas moi.
J'ai longtemps repensé à cette femme partie trop tôt. Je ne la connaissais pas vraiment, on échangeait juste un bonjour poli et quelques sourires entre 2 portes à l'école. Je l'avais devinée malade ces dernières semaines, mais je n'imaginais pas à quel point. 
J'ai longtemps repensé à ses enfants, à son mari, à l'injustice qui les a séparé d'elle.
J'ai serré un peu plus fort mes enfants contre mon coeur ce soir-là, comme pour conjurer le sort, tenter d'éloigner de nouveau le mauvais.
Recréer la bulle.


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